J’ai écrit et réécrit cette introduction environ cinq fois (j’adorerais dire que c’est une exagération) tellement je veux qu’elle soit parfaite. Tsé quand tu aimes quelque chose avec beaucoup de ferveur, tu veux toujours le représenter de la meilleure façon pour convaincre le monde entier de sa beauté incomparable? Bin c’est un peu ça que je souhaite accomplir. Je souhaite partager avec vous mon choix comme étant le meilleur livre de Stephen King.

*Vous remarquerez que j’inclus toujours des sections cachées lorsque j’écris un spoiler dans mes reviews, cependant dans le cas de ce livre, j’ai tellement de chose à dire sur des éléments importants de l’histoire que la moitié de l’article devrait être caché. Pour cette raison, j’invite quiconque souhaitant lire 11/22/63 sans rien y savoir auparavant à ne pas lire ce review. Je vous garantis que c’est un excellent livre, voilà tout ce que vous avez à savoir. Mais si vous choisissez de le lire quand même, vous en êtes averti!

Les meilleures lectures sont toujours celles qu’on a longtemps repoussées.

Remontons le temps : on est en 2016, la pandémie n’a encore traversé l’esprit de personne et on est heureux. C’est l’année où j’ai regardé une mini-série dont mon père m’a parlé parce qu’il a vu les trois premiers épisodes dans l’avion à son retour d’Europe et m’a dit « Fred, je pense que c’est ton genre. Tu vas aimer ça. » Je regarde le trailer et tout de suite, ça me plaît effectivement; un bout de l’histoire qu’on essaie de réécrire pour le mieux, j’en ai eu des frissons dès le début. Après avoir regardé les huit épisodes, donc, je suis laissée à moi-même, bouche-bée et vidée. What the f*** just happened?

Avant, dans mes jeunes années, j’aurais refusé de regarder la série 11/22/63 avant de lire le livre duquel elle s’inspirait, mais le concept était si intéressant que je n’ai pas pu m’en empêcher et boy que je suis contente. Si la série télévisée comprend huit épisodes d’environ 60 minutes chacun, le livre est une monstruosité de 850 pages immensément plus intimidante. Tout de même, j’ai eu envie de le lire cette année et laissez-moi vous dire que c’était une excellente décision. Après tout, quoi de mieux qu’une lecture légère pour le chalet? Mais de quoi parle le meilleur livre de Stephen King exactement?

Synopsis

Jake Epping a tout d’ordinaire à 35 ans; un divorce sous la main, une vie déprimante et un futur plus ou moins attirant. Mais comme il l’apprendra rapidement, la vie peut changer au quart de tour. Sa vie ordinaire se transforme en une opportunité en or de changer non seulement son futur, mais surtout l’histoire du monde. Une fissure dans le temps le ramène à Lisbon Falls à l’été 1958. Si son ami Al Templeton a dédié sa double vie à prévenir l’assassinat du Président John F. Kennedy, Jake devra choisir s’il se rendra si loin dans son voyage. Mais plus important encore, s’il parvient à son objectif, pourra-t-il laisser sa vie d’antan derrière lui et revenir au présent?

Avec une prémisse aussi prometteuse, on se dit tout de suite que 11/22/63 pourrait devenir le meilleur livre de Stephen King.

Écriture intelligente, concept ahurissant, exécution chirurgicale. On parle de voyage dans le temps, de théorie du complot, d’effet papillon… mais on n’a aucune réponse parce qu’on parle de la vraie vie. Une grande force de l’écriture de M. King (redonnons à César ce qui appartient à César) est, quant à moi, la perplexité des personnages. Ils prennent littéralement vie sur papier, j’avais l’impression de lire sur des vrais gens, du monde que je pourrais croiser dans la rue. On sent qu’ils ont une vie entière en dehors de ce que l’auteur nous raconte et qu’on ignore totalement, qui ne nous regarde pas et qu’on ne comprend pas. Le mystère de la vie d’autrui ajoute du réalisme à l’histoire. Et les personnages qu’on apprend à connaître ont eux aussi leurs secrets qu’ils ne nous révèlent pas forcément. Personnages étoffés, check.

La future historienne en moi aimerait attirer votre attention sur un élément très important selon moi (et tous les historiens des États-Unis) : qu’est-ce qui rend John F. Kennedy aussi célèbre? Aussi triste que cela puisse être, la caractéristiques la plus connue sur le 35e Président américain est l’anecdote de son assassinat. Et la nature humaine pousse les gens à essayer de donner un sens à tout ce qu’ils rencontrent, trouver une signification grandiose qui expliquerait les splendeurs ou les maux du monde. Malheureusement, c’est précisément ce que les États-Unis ont fait avec l’assassinat de JFK, ce n’est pas sans raison que cet événement a donné lieu à des théories du complot extravagantes en toutes sortes.

« If you’d wanted to give Kennedy’s death some meaning, you’d have to add something heavier. Which explains the proliferations of conspiracy theories » (66)

Qu’on le veuille ou non, Kennedy est encore aujourd’hui idolâtré pas pour ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il aurait pu faire. Il s’agit de l’un des plus grands mythes de l’histoire des États-Unis! Si Kennedy avait survécu au tir de Lee Harvey Oswald, qu’aurait-il fait? Où en serions-nous aujourd’hui? C’est une question passionnante pour laquelle nous ne trouverons jamais de réponse, c’est pourquoi tant de gens tentent de le faire. J’étais très heureuse que l’un des personnages fasse mention de cette idée qui ne vient pas à l’esprit de la majorité des gens lorsque les événements du 22 novembre 1963 s’invitent à la discussion, donc le voir par écrit est rafraîchissant. Cela m’a aussi donné envie d’ajouter La Part de l’Autre de Éric Emmanuel-Schmitt à ma liste!

On peut relever plusieurs éléments clés qui diffèrent du livre dans la série télévisée.

Un élément frappant qui distingue le livre de la série télévisée est l’implication du personnage de Bill Turcotte qui est beaucoup moindre dans l’oeuvre originale. C’est une idée qui est allée beaucoup plus loins à l’écran et qui offrait une vision nuancée de Jake puisqu’il a tout de même fait des choix qui peuvent changer l’opinion du téléspectateur sur son personnage vers la fin de la série, l’impact étant énorme sur la vie de Turcotte. Pour cette raison et parce que ça rend son secret encore plus lourd à porter, j’ai préféré la version de Stephen King; sans personne à qui confier ses doutes et ses difficultés, Jake est davantage isolé, rendant son parcours encore plus tragique.

Le second élément qui est mille fois mieux dans le livre est la liaison entre la mission personnelle de Jake pour sauver la famille Dunning des actions du mari et la mission de Al pour éviter l’assassinat de JFK. Bien que le fait de continuer sa mission soit justifiée autrement dans la série, je trouve encore plus logique et sensé de la justifier grâce à la guerre du Vietnam puisque l’idée principale demeure de sauver le plus de gens possible et on en a un exemple concret avec Harry Dunning. D’ailleurs, la production écrite de Harry au début du roman donne des frissons, personne n’arrive à la cheville de Stephen King pour rédiger quelque chose du genre. Un masterpiece d’émotions.

Des hauts et des bas d’émotions, des personnages touchants, de la vraie vie dans la fiction. Stephen King à son meilleur.

Comme dans toute bonne histoire de voyage dans le temps, une des parties les plus le fun c’est de voir les personnages dépaysés dans un nouvel environnement et 11/22/63 n’en fait pas exception. Il y a une joie de vivre, un enthousiasme universel à redécouvrir autrement une terre qu’on connaît déjà pourtant si bien et c’était très agréable à lire. Vous comprendrez aussi qu’en tant qu’étudiante en histoire, la fiction historique a une place spéciale dans mon coeur et comme le concept de respecter l’exactitude historique est un défi en soi, on apprécie lorsque c’est bien fait! Je ne me considère pas une experte en histoire américaine pour autant, mais j’aime surtout aimé la manière dont l’auteur s’est servi de l’environnement et des dialogues pour élever en trois dimensions les 220 000 mots qu’il a mis sur papier.

C’est exactement le genre de roman que j’aimerais un jour écrire, une fiction historique où le lecteur n’a pas à comprendre toutes les références, à identifier tous les personnages et les dates lancés ou a reconnaître tous les enjeux présents dans le monde réel. Le livre conserve alors des perles que seuls les plus fanatiques peuvent comprendre et croyez-moi sur parole, ils apprécient les petites attentions aux détails. Une histoire où on ne passe pas son temps à expliquer les références, mais on les laisse vivre telles qu’elles sont. Voilà pourquoi je considère 11/22/63 comme étant le meilleur livre de Stephen King.

Une belle surprise!

Si vous m’aviez dit que je lirais un jour un roman d’amour écrit par Stephen King, vous auriez noté du scepticisme dans mes yeux. Pourtant, l’amour y est bel et bien présent, et pas seulement un peu. On est loin des livres à l’eau de rose d’autres auteurs contemporains, par contre ce serait mentir que de nier l’existence d’une histoire d’amour qui prend beaucoup de place. Mais elle était rafraîchissante, dans un tout autre style que les Emily Henry et les Tessa Baily de ce monde et je n’ai qu’une chose à dire : Stephen King, un romantique? Absolument. Non mais sans blague, le couple Jake(George)-Sadie est attachant, il est vrai. La fin vous brise le coeur, mais elle est belle quand même. Vous aimeriez que ça finisse autrement, mais c’est ce qui est le plus sensé et le mieux pour tous.

« I have never been a crying man, but almost any man who’s lost the woman he loves would, don’t you think? Yes. But I didn’t. Because I knew what had to be done. » (747)

Je me dois de faire un petit disclaimer. Tout d’abord, n’oublions pas que 11/22/63 demeure un roman de Stephen King, c’est-à-dire un auteur principalement d’horreur et de thriller. Je n’ai noté qu’une seule scène particulièrement graphique dans ce livre, lorsque Jake se fait tabasser par Roth. J’ai grimacé. Personnellement, ça ne me choque pas plus que ça, mais je tiens à préciser qu’il y en une quand même.

Avec tout ce qui fait de 11/22/63 mon livre préféré de Stephen King (et possiblement le meilleur livre de Stephen King), le retour à la réalité peut être ardu.

Quand on passe autant de temps à lire à propos des mêmes personnages, qu’on s’investit profondément dans l’intrigue et qu’on en fait sa nouvelle personnalité (guilty), le retour à la réalité peut être ardu. Je ne mentirai pas, 11/22/63 m’a mis dans un petit reading slump, dans le sens le plus positif du terme bien évidemment. J’ai passé dix jours à suivre cette histoire, ses hauts et ses bas, et bien que je connaissais la progression générale et surtout la fin, terminer le livre a été un choc pour mon cerveau, je me disais okay, now what?

Aucun livre ne m’interpellait, l’envie de me plonger dans une l’histoire d’un autre personnage, de vivre dans un monde différent, de connaître de nouvelles péripéties… rien de tout cela ne me tentait pendant plusieurs jours. La manière dont se conclut 11/22/63 est peut-être en cause, j’étais bouleversée par ce que j’avais lu et vécu avec le protagoniste donc m’en détacher demandait un effort particulier, mais peu importe la raison, Stephen King m’a bien eu. Et on en vie tellement des affaires dans ce livre-là! La fin est cruelle dans ce sens, j’étais épuisée pour Jake d’être passé au travers d’autant d’épreuves et de devoir se résigner à tout défaire en une fraction de seconde, abandonnant une vie en arrière. C’était réellement bouleversant.

Note finale : 5/5

Mention d’honneur pour des citations marquantes.

Je pourrais m’étendre davantage tellement j’ai de choses à dire sur ce livre, mais je m’arrête ici tout en vous transmettant quelques unes de mes citations favorites, juste parce qu’elles sont si belles.

« I also bet four hundred on the Canadiens to beat the Maple Leafs in the Stanley Cup Series, and won… » (282)

« On the subject of love at first sight, I’m with the Beatles: I believe that it happens all the time. But it didn’t happen that way for me and Sadie, although I held her the first time I met her, and with my right hand cupping her left breast. So I guess I’m also with Mickey and Sylvia, who said love is strange. » (336)

« Home is watching the moon rise over the open, sleeping land and having someone you can call to the window, so you can look together. » (399)

« Somewhere I could hear not just one butterfly flapping its wings, but a whole cloud of them. » (561)

« The designer of that one was Coco Chanel. It was pink wool, accessorized by a black collar. And of course there was a pink pillbox hat to top it off. The suit would go well with the roses she’d be handed at Love Field, not so well with the blood which would splatter the skirt and her stockings and shoes. » (713)

S’il vous plaît, laissez-moi savoir si vous avez lu cette merveille et surtout ce que vous en avez pensé! Je serais toute aussi contente de savoir si vous avez regardé la série qui, je vous l’accorde, se consomme plus rapidement. Et dîtes-moi également si vous considérez 11/22/63 comme étant le meilleur livre de Stephen King.

Bonne lecture!