L’immortalité est un couteau à double tranchant; on a tout le temps du monde pour être heureux, mais également pour être malheureux. Les moments de bonheur s’accumulent, tout comme les épisodes de tristesse. C’est parce que la vie est remplie de solitude, d’humanité et de poésie que le roman de V.E. Schwab est si beau.

Synopsis

Forcée dans un mariage arrangée, Adeline est prête à tout pour échapper à la vie qui l’attend et ne lui appartiendra pas. Son seul souhait est la liberté de disposer de sa vie comme elle l’entend et pour toujours. Voilà ses conditions lorsqu’elle forme un pacte avec un dieu de la nuit, mais sa naïveté prendra le dessus; elle ignore qu’en souhaitant une vie éternelle, le dieu s’approprie ce qui devient la chose la plus précieuse pour Adeline, son identité. Plus jamais personne ne se souviendra d’elle, la forçant à une vie d’incertitudes et de solitude. Jusqu’au jour où un jeune homme mystérieux défie toute probabilité. Pour la première fois en 300 ans, quelqu’un ne l’oublie pas. 

Non seulement c’est une histoire ingénieuse, une étude de la solitude et de l’humanité poussée à l’extrême, c’est surtout une oeuvre réconfortante tout en poésie. En tant qu’être humain, créature sociable à la recherche constante de sécurité et de chaleur, elle vient toucher des cordes sensibles, que ce soit car on se sent chanceux de pouvoir laisser une trace de notre existence, que quelqu’un se souvienne de nous, ou parce qu’on se laisse envahir par la mélancolie et la tristesse de Addie pour qui marquer les gens et avoir un impact dans leur quotidien est impossible. On est bouleversé pour elle et oh combien heureux de notre propre situation.

J’ai adoré la perspective où elle refuse de céder devant les efforts de Luc à la retenir auprès de lui. Rage féminine, entêtement, stupidité, auto-flagellation, appelez cela comme vous le voulez, toujours est-il qu’elle demeure fidèle à son rêve de n’appartenir à personne d’autre qu’elle même

« Art is about ideas. And ideas are wilder than memories. They’re like weeds, always finding their way up. […] But isn’t it wonderful, to be an idea? » (261)

V.E. Schwab nous rappelle le pouvoir des mots et la beauté de l’écriture.

La chose que je retiens de ce livre et à laquelle je pense régulièrement, c’est à quel point la prose détient le même pouvoir que la poésieThe Invisible Life of Addie Larue n’est pas seulement une histoire racontée avec des mots, elle est vécue et narrée de la plus belle manière qui soit, c’est-à-dire avec l’art de l’écriture. Ce ne sont plus simplement des mots sur une page, ce sont des notes de musique immortalisées, on les apprécie en silence comme à voix haute. Ce fut un bonheur d’annoter l’oeuvre de V.E. Schwab. 

« She pauses at MEMOIR, studying the titles on the spines, so many I’s and Me’s and My’s, possessive words for possessive lives. What a luxury, to tell one’s story. » (85)

Je pense qu’il s’agit de ma citation préférée.

Je vous dévoile mon rating final sous peu, mais je dois avouer que ce n’est pas une note parfaite. Ce livre était si près de décrocher cinq étoiles, mais je me dois de me garder une petite gêne pour la raison suivante : après les explications initiales de comment Addie en est venu à avoir la malédiction qui l’accable, les chapitres du passé devenaient de moins en moins intéressants à mon goût. J’étais tellement plus absorbée par l’histoire du présent, celle qui représentait un changement par rapport à ses autres rencontres où son amant.e/amoureux.se l’oublie au petit matin, que je m’en serais passé. Cependant, je n’ignore pas que ces chapitres ont leur utilité afin de faire transparaître les épreuves qui viennent avec une telle malédiction, c’est tout simplement que je ne m’y attachais pas en sachant que le résultat demeure le même. 

Il y a quelque chose d’excessivement touchant et percutant dans cette histoire. 

« She can speak German, Italian, Spanish, but French is different, French is bread baking in mother’s oven, French is her father’s hands carving wood, French is Estele murmuring to her garden. French is coming home. » (202)

Solitude, humanité, poésie.

Je n’ai pas la larme facile lorsqu’il est question de lire un livre, mais laissez-moi vous dire que la fin de cette histoire m’a fait paraître comme une madelaine. Je me suis particulièrement attachée aux personnages principaux et à une niveau plus personnel que je le suis normalement, donc c’est sans surprise que j’ai pleuré.

SPOILER

J’ai trouvé magnifique comment Addie a choisi de sauver Henry et se venger de Luc de la même façon, c’est la rage féminine à son apogée. Son sacrifice m’apparaissait tellement dépourvu de logique au départ, mais après ses explications, ça a tellement de sens; non seulement sauve-t-elle l’homme dont elle est amoureuse, mais elle s’offre le cadeau d’avoir quelqu’un qui se souviendra d’elle pour le restant de ses jours (et plus encore étant donné que Henry écrive un livre sur elle pour que le monde entier ne l’oublie jamais). Et elle se garde tout le temps du monde pour se défaire de Luc grâce à la formulation de son nouveau pacte avec celui-ci. Brillante.

Le inception est vraiment cool.

Une critique que j’ai par rapport à The Invisible Life of Addie Larue et qui ne vient pas de moi à la base, je tiens à le préciser, mais dont j’ai entendu parlé plutôt par Jack Edwards (si vous ne le suivez pas encore, rendez-vous service et allez regarder ses vidéos, elles sont excellentes et très originales dans le monde de booktube et booktok) est le fait que l’histoire est très eurocentrée. Le concept de l’immortalité ouvre toute grande la porte à une infinité de possibilité et d’aventures partout dans le monde et pourtant, notre héroïne passe sa vie entière dans des pays à prédominance blanche. Il demeure que l’intrigue qu’on suit nécessite des choix et je ne m’en plains pas, mais l’idée de base pourrait être davantage exploitée afin de faire miroiter des réalités diverses.

Cela dit, je continuer à encourager les gens à lire ce livre!

Il ne conviendra pas à tous, bien entendu. Si vous désirez beaucoup d’actions et espérez rester sur le bout de votre chaise, ce n’est pas une lecture que je recommande (pour le moment du moins). Il s’agit d’une histoire à savourer en temps et lieu lorsqu’on est curieux de savoir comment la vie mêle poésie, beauté et cruauté. À vrai dire, c’est exactement le genre de livre pour lequel j’aimerais posséder une copie physique particulière dans ma bibliothèque tant il est beau à l’intérieur comme à l’extérieur.

Est-ce que je recommande ce livre universellement? Non. Le rythme est plutôt lent, ce qui ne convient pas à tout le monde. Par contre, si vous cherchez un fantasy standalone ou une histoire touchante sur l’humanité, remplie de la poésie de l’amour comme de la solitude, faites-vous plaisir!

Note finale : 4.75/5

Avez-vous lu le roman de V.E. Schwab? Pour un autre review de cette autrice, consultez l’article sur Vicious. Laissez-moi vos impressions en commentaires!